Dans les pas d'un infirmier libéral de campagne : une journée marathon à...59 visites


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Cet article a été publié le par Brigitte Femenia et a été consulté 68 fois.

Catégorie : actualité

Alors que la profession se mobilise pour la revalorisation de leurs revenus, Philippe, infirmier libéral dans le Vignoble nantais, a accepté de montrer son quotidien de soignant. 

Dans sa voiture, transformée « en bureau », Philippe*, infirmier libéral dans le Vignoble nantais, en Loire-Atlantique, âgé de 50 ans, contrôle les rendez-vous du jour.

Sur la feuille écrite à la main, 59 visites s’affichent.

« C’est une journée chargée (Ndlr : 40 à 50 visites en moyenne par jour) », dit-il.

Une journée qui commence dans un établissement qui héberge des personnes âgées.

Première visite à 6 h 45

La première visite démarre à 6 h 45, avec un pansement complexe.

En chimiothérapie, le patient, âgé de 83 ans, souffre d’un cancer de la peau.

La plaie à la tête profonde et saignante nécessite d’être bien protégée.

Bref, prend soin, avant de repartir vers une autre chambre. 

Ce matin-là, l’infirmier, l’œil rivé sur la montre, s’occupe de onze patients de la résidence, située dans le Vignoble nantais.

Des personnes dont certaines souffrent de la maladie de Parkinson, d’un déficit intellectuel, d’Alzheimer…

Les actes médicaux infirmiers (sur prescription) s’enchaînent : prises de médicaments, pansements, contrôles du diabète, gouttes dans les yeux, suivis de traitement… 

À chaque visite, l’infirmier surveille.

Je vois que vous êtes perdu, dit-il à une patiente dont les capacités cognitives sont affectées. Vous voulez que j’ouvre vos volets… À ce soir, bonne journée.

Philippe, infirmier libéral dans le Vignoble nantais

Aux soins, l’infirmier, attentif à la manière dont la patiente réagit et répond., multiplie les actes gratuits.

Comme la pose de bas de contention, une assistance que la Sécurité sociale ne rembourse plus.

« Elle estime que les personnes peuvent le faire seules, avec un enfile-bas. Mais des patients n’arrivent pas à les mettre. Alors que c’est vital pour certains qui risquent une phlébite », déplore l’infirmier, ancien manager dans les jeux vidéos en région parisienne.

Déjà 11 patients de vus

La journée se poursuit, déjà au pas de course.

Il est près de 8 h quand Philippe quitte la résidence.

La fiche de rendez-vous est raturée. Déjà onze patients de vus.

Commencent la permanence à 9 h avec les quatre rendez-vous, puis la poursuite des visites à domicile.

Les protocoles se succèdent : prises de sang, soins et pansement d’une blessure, retrait de points de suture, prise de médicaments…

Des mots d’attention, un geste

À l’acte médical infirmier, s’ajoutent toujours des petits mots d’attention, un regard, très souvent un geste avec les patients victimes de maladies chroniques que Philippe voit souvent.

Avec le temps, un lien humain s’est créé.

Comme avec cette ancienne maraîchère, âgée de 92 ans, tombée à son domicile, chez qui Philippe passe deux fois par jour. Ou Yolande, cette veuve qui lui prépare après le soin un café que l’infirmier avale en une minute.

« Il m’a remonté le moral », avoue la femme qui vit chez elle seule.

« Si je fais ce métier, c’est pour le contact humain et la dimension sociale »

Si je fais ce métier, c’est pour le contact humain et la dimension sociale. Il n’y a rien de mieux que de soigner les gens chez eux.

Philippe

Infirmier qui, avant de s’échapper, prend souvent un patient dans ses bras. Ou lui fait un bisou.

Aujourd’hui, pas le temps malheureusement de prendre cinq minutes avec Yolande.

L’infirmier a déjà pris du retard.

Il dit au revoir et le pas pressé s’engouffre dans la voiture.

Baisse du pouvoir d’achat

Un rythme habituel vu le nombre de visites qui ont fortement augmenté depuis la baisse de son pouvoir d’achat.

Toute la profession, soumise à une obligation de continuité des soins (seule profession médicale et paramédicale a y être soumis) est concernée.

Entre l’inflation, les charges qui augmentent, et surtout l’absence de revalorisation des actes médicaux infirmiers depuis 2009, les infirmiers libéraux ont augmenté le nombre de visites quotidiennes pour compenser le manque à gagner.

Un collectif national dont est membre Philippe dénonce cette situation.

« C’est aussi lié au développement du maintien à domicile et à l’ambulatoire. On soigne de plus en plus les gens chez eux », constate l’infirmier libéral qui fait 30 000 km par an avec sa voiture.

En dix ans, Philippe a vu le changement.

Avant, 38 visites par jour, « c’était une bonne journée », compare l’infirmier qui vient d’inscrire ce vendredi du mois d’avril un 60e rendez-vous sur sa liste, une urgence.

Un rythme de travail qui s’accélère

Avec la hausse des charges qui retiennent 60 % de leur chiffre d’affaires, l’infirmier libéral, associé à deux autres professionnelles, a vu le rythme de travail s’accélérer.

Avant la rémunération, ce n’était pas le sujet. Ce qui est sûr, c’est qu’en 15 ans de stagnation de nos tarifs, on a perdu à peu près 20 % sur notre reste à vivre. Et je ne parle pas des congés. Non quantifiable, mais si je prends trois semaines en juillet, ce sont des congés sans solde. Il n’y a pas de chiffre d’affaires effectué pendant ces vacances.

Philippe

L’infirmier libéral a fait le choix de travailler 6 jours d’affilée, période suivie d’une semaine de repos.

Sa rémunération se fait sur la base d’une nomenclature de soins infirmiers.

Exemple, un pansement de brûlure suite à une radiothérapie ou une ablation de plus de dix agrafes ou fils, c’est l’équivalent de 4 AMI** (acte médical infirmier). Pour une injection sous-cutanée, le coefficient d’1 AMI s’applique.

« Pour une piqûre, le coût de l’acte se monte à 7,25 euros, illustre le soignant. Pour une prise de sang en déplacement, c’est 8,83 euros. Sur ce montant, 5,30 euros sont pris en charge par la Sécurité sociale et 3,53 euros par la mutuelle (Ndlr : l’infirmier faisant le tiers payant Sécurité sociale et mutuelle) », indique Philippe qui reconnaît optimiser ses prescriptions médicales.

Sur ce montant télétransmis reçu dans les quatre jours, il lui restera à peu près 4 euros net après impôts et charges.

D’autant qu’aux actes de soins à répétition, s’ajoutent des tâches administratives, aussi chronophages.

Toujours dans une logique de gain de temps, le cabinet a fait l’acquisition de logiciels conventionnés par la Sécurité sociale et de tablette permettant de télétransmettre les actes.

L’enregistrement et les envois sont aujourd’hui numérisés.

Coût du service sécurisé : 100 euros par mois.

Fin de la journée entre 20 h et 21 h

Lors de son cycle de permanence, Philippe travaille une centaine d’heures.

Les journées commencent à 6 h 45 et se terminent souvent entre 20 h et 21 h.

À 50 ans, la pénibilité d’une profession dont l’âge de départ à la retraite est fixé à 67 ans commence à se faire sentir. 

« Dans ce métier, la posture est essentielle. J’évite au minium d’être penché. Je travaille sur les jambes, m’agenouille 50 fois par jour », montre l’infirmier, convaincu du gain médical et social qu’apporte sa profession à la société. « Il faut investir dans les infirmiers », répète-t-il.

Après une nouvelle prise de sang et un lavement à un patient en situation de handicap, Philippe remercie une auxiliaire de vie qui l’a aidé.

« Je peux vous embrasser », lui demande-t-il, avant de quitter la chambre.

Dans sa voiture-bureau, l’infirmier regarde la feuille de route.

La fin de matinée approche. Il reste encore plus d’une trentaine de patients à voir. 

* Un prénom d’emprunt a été donné à l’infirmier.

** Cet acte médical infirmier (non revalorisé depuis 15 ans) est actuellement de 3,15 euros brut. Et l’indemnité de déplacement de 2,75 euros brut depuis le 28 janvier 2024. Le forfait vient d’augmenter de 0,25 centimes.

 

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